Le CSE est-il compétent pour demander à l’employeur la mise en place d’un dispositif de contrôle du temps de travail et de trajet inhabituel des salariés ?
La Cour de cassation répond par la positive dans son arrêt du 5 juillet 2023 (Cass. soc. 5 juillet 2023, n°21-21.122), dans le cadre du contrôle de la mise en œuvre de l’obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels incombant à l’employeur.
Eléments de contexte
Plusieurs évènements tragiques dont de nombreux syndromes d’épuisements professionnels et plusieurs suicides ont conduit les partenaires sociaux à agir en justice afin de voir reconnaitre le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels.
Le CSE et les organisations syndicales CGT et CFDT considéraient que la société avait violé son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et qu’elle avait entravé le fonctionnement des instances représentatives pour les raisons suivantes :
Pour rappel, il appartient à l’employeur tenu d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées de mettre en œuvre un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
La position de la Cour d’appel
La Cour d’appel de Versailles avait débouté le CSE et les organisations syndicales de leurs demandes de voir ordonner la mise en place d’un tel système aux motifs :
- D’une part, que la défaillance du système de déclaration des heures supplémentaires n’empêchait pas les salariés de faire une déclaration par tout autre moyen ;
- D’autre part, que la question du temps de travail et des moyens de contrôle faisait l’objet de négociations dans l’entreprise, de sorte qu’aucun manquement ne pouvait être retenu à l’encontre de l’employeur.
L’avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation fonde sa décision au visa de dispositions de droit interne et de droit communautaire.
Il est fort à craindre que les CSE s’invitent désormais sur les modalités de contrôle et de décompte du temps de travail dès lors que le dispositif mis en place par l’employeur est défaillant ou perfectible, alors même que ces systèmes relèvent des prérogatives de l’employeur.
Un débat contradictoire devrait se développer sur ce sujet pour le moins sensible dans les entreprises.
Focus sur l’articulation des entretiens professionnel et d’évaluation
Dans la même décision, la Cour de cassation affirme que ni les dispositions légales applicables ni la jurisprudence ne s’opposent à la tenue à la même date de l’entretien d’évaluation et de l’entretien professionnel pourvu que :
- deux comptes-rendus distincts soient rédigés ;
- les questions d’évaluation ne soient pas évoquées lors de la tenue de l’entretien professionnel.
En l’espèce, les organisations syndicales contestaient le fait que l’entretien professionnel consacré aux perspectives d’évolution professionnelle notamment en termes de qualification et d’emploi puisse se tenir à la suite ou le même jour de la tenue de l’entretien d’évaluation dont l’objet porte sur la prestation de travail du salarié.
Cette décision devrait simplifier grandement l’organisation matérielle et la gestion RH des entretiens des collaborateurs, qui pourront désormais se tenir le même jour sous réserve du respect des conditions ci-dessus.