Le 16 mars 2020 marquait le point de départ du télétravail généralisé et obligatoire afin de lutter contre la propagation du Covid-19.
Certaines entreprises pratiquaient déjà le télétravail de façon régulière et avaient négocié un accord fixant les modalités d’accès et d’exécution du télétravail, notamment l’indemnisation des frais liés au télétravail.
Du jour au lendemain, tous les salariés affectés à un poste pouvant être exécuté à distance ont été mis en télétravail, sans formalisation préalable.
Ces derniers doivent-ils alors bénéficier de l’indemnité conventionnelle, comme leurs collègues, télétravailleurs réguliers ?
C’est à cette question qu’a dû répondre le Tribunal Judiciaire de PARIS.
Saisi par plusieurs organisations syndicales et par le CSE d’établissement du siège de l’Agence Française de Développement, le Tribunal devait examiner la régularité de la décision de l’Agence Française de Développement refusant de verser aux télétravailleurs exceptionnels, l’indemnité conventionnelle de télétravail.
Cet Organisme disposait, en effet, d’un accord d’entreprise, prévoyant la mise en place du télétravail régulier, formalisé par avenant au contrat de travail et prévoyant une indemnisation à hauteur de 5€ par jour effectif de télétravail.
A compter du 16 mars 2020, se sont retrouvés en télétravail des salariés de l’Agence n’ayant régularisé aucun avenant.
Pour autant, l’employeur a décidé de ne pas leur verser l’indemnité prévue conventionnellement, alors qu’elle continuait à être versée aux télétravailleurs réguliers.
Cette différence de traitement est-elle justifiée ?
L’Agence Française de Développement considérait que le placement en télétravail de tous ces salariés était fondé sur la base des dispositions du code du travail, au regard des circonstances exceptionnelles liées à la crise du Covid-19 et non sur la base de l’accord d’entreprise.
De ce fait, ces salariés, qui n’entraient pas dans le champ d’application de l’accord, n’avaient pas droit à l’indemnité prévu par ce dernier. Il n’y avait donc pas de différence de traitement.
Le Tribunal Judiciaire a rejeté cet argument.
Ce dernier a constaté que l’employeur, lors du confinement, a placé l’ensemble des salariés en télétravail au regard des dispositions du code du travail et non sur les critères d’éligibilité.
Par ailleurs, l’AFD avait en parallèle et depuis le début de la crise sanitaire, unilatéralement suspendu le processus de négociation et de signature des avenants télétravailleurs réguliers, en refusant de donner suite aux demandes qui lui ont été présentées, y compris dans le cas d’avis favorable donné par la DRH.
L’AFD, qui ne respectait pas les dispositions de l’accord télétravail, empêchait ainsi les salariés concernés de bénéficier des dispositions conventionnelles.
Dès lors, la différence de traitement reposant sur le versement de l’indemnité de télétravail aux salariés signataires d’un avenant télétravail ne saurait constituer une raison objective et matériellement vérifiable puisqu’elle repose sur une exécution déloyale de l’accord collectif.
Ainsi, il faut retenir de ce jugement que tous les salariés en télétravail doivent bénéficier de l’indemnité prévue par l’accord collectif.
De nombreuses entreprises ont ouvert des négociations post crise Covid 19 afin de pérenniser et d’organiser le télétravail comme une nouvelle modalité d’organisation du temps de travail.
Le sujet de l’indemnisation est au cœur des discussion et il convient d’être particulièrement vigilant dans la rédaction des clauses de l’accord télétravail en la matière.