Deux décisions du 25 septembre 2024 (Cass. soc. 25 septembre 2024, n°23-11.860 et 23-13.992) apportent un éclairage intéressant à cette question.
Plus précisément :
- L’employeur peut-il ouvrir une clé USB trouvée dans le bureau d’un salarié, hors sa présence et sans l’avoir appelé, alors qu’elle n’est pas connectée à l’ordinateur professionnel mis à disposition du salarié ?
- L’employeur ayant ouvert un mail à caractère privé envoyé depuis une messagerie professionnelle peut-il l’utiliser contre le salarié ?
L’ouverture par l’employeur de fichiers identifiés comme personnels
Rappel relatif à la licéité et la loyauté de la preuve
Désormais, la Cour de cassation juge, sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article 9 du Code civil, que dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats (Cass. plén. 22 décembre 2023, n°20-20.648 et n°21-11.330).
Des éléments de preuve, qui portent atteinte à la vie privée du salarié peuvent être produits, à condition que cette production soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve.
Le contentieux prud’homal actuel est agité par de nouveaux modes de preuves jusque-là rejetés par les juges (enregistrement clandestin, utilisation des vidéos de surveillance, conversation privée sur un réseau social, etc.)
L’atteinte à d’autres droits ou libertés doit être strictement proportionnée au but poursuivi.
L’ouverture de la clé USB non connectée à l’ordinateur professionnel
La Cour de cassation (Cass. soc. 25 septembre 2024, n° 23-13.992) considère qu’une clef USB personnelle constitue un mode de preuve que l’employeur peut utiliser, alors même qu’il s’agissait manifestement d’une violation de la vie privée du salarié car, la production de fichiers tirés de l’exploitation du contenu personnel de clés USB était :
- indispensable à l’exercice du droit à la preuve par l’employeur ;
- et l’atteinte à la vie privée était proportionnée au but poursuivi.
L’utilisation de messages personnels échangés sur l’outil professionnel
Cass. soc. 25 septembre 2024, n°23.11.860
Les enseignements
Manifestement, les juges construisent progressivement un nouveau droit à la preuve entre respect des libertés fondamentales et nécessité d’un procès équitable.
Suivant les principes dégagés en matière de droit à la preuve, la Cour de cassation a pu admettre la possibilité pour un salarié de produire un enregistrement audio clandestin pour apporter la preuve de son accident du travail (Cass. civ 2ème. 6 juin 2024, n°22-11.636).
A contrario, elle a rejeté la production par un salarié d’un enregistrement clandestin d’une réunion CHSCT, d’autres éléments de preuve lui permettant de prouver l’existence d’un harcèlement moral (Cass. soc. 17 janvier 2024, n°22-17.474)
Les forces en présence seront-elles rééquilibrées ?