Pour mémoire, le forfait jours est, selon les dispositions de l’article L.3121-58 du Code du travail, une modalité d’organisation du temps de travail pouvant être mis en place à l’égard :
- des cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
- des salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
La jurisprudence se penche une nouvelle fois sur cette notion d’autonomie dans l’organisation de l’emploi du temps par le salarié.
La chambre sociale de la cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 11 janvier 2023 (n°22/00729) estime justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié en forfait jours qui avait utilisé deux demi-journées de travail pour effectuer des déplacements entre son domicile et son lieu de travail après avoir déménagé à plusieurs centaines de kilomètres.
Pour les juges, l’autonomie du salarié en forfait jours ne lui permet pas pour autant de réduire unilatéralement le nombre de demi-journées, un tel comportement constituant une violation par le salarié de son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur.
Les faits
- En l’espèce, l’employeur reprochait aux salariés une réduction unilatérale significative du volume de travail par une dissimulation de son activité réelle et ce, sans avertir sa hiérarchie.
- En effet, le salarié avait déménagé et s’était éloigné de son lieu de travail de plusieurs centaines de kilomètres.
- Pour effectuer les déplacements nécessaires entre son domicile et son lieu de travail, le salarié utilisait 2 demi-journées de travail de la semaine.
- Le salarié, tout en reconnaissant son éloignement géographique du fait de son déménagement, rétorquait que « ce choix personnel n’avait pas impacté son activité » et qu’il était « tenu par une convention annuelle de forfait en jours, celle-ci lui laissant une liberté dans l’organisation de l’exécution de ses missions, sans contrainte sur une plage horaire de présence. »
L’avis des juges
L’autonomie du salarié en forfait jours n’est pas synonyme d’indépendance
Dans un arrêt du 2 février 2022 (Cass. soc. 2 février 2022, n°20-15.744), la Cour de cassation avait rappelé que l’existence d’une convention de forfait jours n’était pas incompatible avec le respect d’un planning afin d’organiser les journées ou demi-journées de présence au sein d’un établissement nécessaire à la bonne marche de l’activité.
Là encore, le salarié avait mis en avant son autonomie pour tenter sans grand succès d’échapper à ses obligations contractuelles !
Être salarié au forfait jours ne vous dispense pas d’être loyal et de respecter vos obligations contractuelles, tant dans la réalisation de votre activité que dans vos déplacements domicile-lieu de travail.
A propos des temps de déplacement…
En matière de déplacement, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 1 mars 2023 (Cass. Soc. 1er mars 2023, n°21-12.068) sur le temps de déplacement des salariés itinérants.
Sans surprise, la Cour de cassation confirme sa nouvelle position et rappelle que le temps de déplacement des salariés itinérants peut constituer du temps de travail effectif.
Ainsi, le temps de déplacement accompli par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients répondent à la définition du temps de travail effectif.
Le contexte
Le salarié considérait que le temps de trajet entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients constituait du temps de travail effectif.
Ainsi, il sollicitait le paiement d’heures supplémentaires.
Le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance.
Pour les effectuer, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par un client.
Les arguments avancés par l’employeur
Dans le cadre des opérations de maintenance, le salarié était informé par téléphone pour vérifier sa disponibilité avant confirmation de la mission par le bon de travail, de sorte que le salarié, même s’il pouvait être amené à transporter des pièces détachées chez le client, ne se trouvait pas à la disposition permanente de l’employeur préalablement à son départ et bénéficiait d’une certaine autonomie dans l’organisation de son travail.
Quant à cette relative autonomie, l’employeur tentait de démontrer que le salarié ne se tenait pas à sa disposition, n’était pas sous ses directives et qu’il pouvait vaquer à des occupations personnelles.
Cet argument ne sera pas retenu par les juges.
Tenant compte une nouvelle fois du droit de l’Union européenne, la Cour de cassation prend désormais en compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non du temps de travail effectif.
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