La question posée à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) était la suivante
Afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le salarié doivent-elles être prises en compte comme du temps de travail effectif ?
En d’autres termes, les dispositions de droit interne qui excluent pour le décompte du seuil de déclenchement des heures supplémentaires les congés payés sont-elles conformes au droit européen ?
Par un arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne décide que les périodes de congés payés doivent être considérées comme du temps de travail effectif pour apprécier le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Cette décision est rendue au visa de l’article 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003.
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La Cour considère que les incitations à renoncer au congé de repos ou à faire en sorte que les travailleurs y renoncent sont «incompatibles avec les objectifs du droit au congé annuel payé tenant notamment à la nécessité de garantir aux travailleurs le bénéfice d’un repos effectif dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé, ainsi toute pratique ou omission d’un employeur ayant en effet potentiellement dissuasif sur la prise de congé annuel par un travailleur est également incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé ».
Les faits
En l’espèce, au cours du mois d’août 2017, un salarié allemand avait travaillé 121 h 75 durant les 13 premiers jours puis avait pris 10 jours de congés payés.
La convention collective applicable précisait que seules les heures effectivement travaillées devaient être prises en compte dans le calcul visant à déterminer la présence d’heures supplémentaires dont le paiement est majoré.
En application de cette règle, l’employeur a constaté que le nombre d’heures travaillées ne dépassait pas le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et a payé le salarié en conséquence.
Il apparaît que l’exercice par l’intéressé de son droit à congé a eu pour effet que la rémunération perçue au titre du mois d’août 2017 était inférieure à celle qu’il aurait perçue s’il n’avait pas pris de congé au cours de ce mois.
C’est ce que la CJUE censure dans son arrêt du 13 janvier 2022.
Cette jurisprudence pourrait conduire à un revirement de la Cour de cassation. En effet, cette dernière a toujours considéré que les jours de congés ne devait pas être assimilés à du temps de travail effectif pour le décompte des heures supplémentaires.
Qu’en est-il en droit interne ?
Les heures supplémentaires en application de l’article L. 3121-41 alinéa 1 du Code du travail se décomptent dans le cadre hebdomadaire sauf lorsqu’il est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine.
Pour décompter ces heures supplémentaires, il convient de tenir en compte du temps de travail effectif qui est défini comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (L 3121-1 du code du travail).
Seules les heures supplémentaires, c’est-à-dire celles effectuées au-delà de la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires ou d’une durée considérée équivalente ouvrent droit à majoration de rémunération (L 3121-18 du code du travail).
La CJUE dans son arrêt du 13 janvier 2022 bouleverse la notion même de temps de travail effectif tel quel est définie dans le code du travail.
Les conséquences de cette décision sont particulièrement nombreuses et vont générer des difficultés dans le décompte du temps de travail dans les organisations mises en place et la configuration des futurs outils SIRH.
En France, il conviendra d’attendre les premières décisions prudhommales et de chambres sociales de Cour d’appel.
Gageons que la défense salariale s’emparera de la norme Européenne pour alimenter les prochains contentieux prudhommaux en matière de rappels d’heures.